[ intervention ] mobilité durable, design fiction, service public
Dresser un panorama prospectif de la mobilité sur le territoire Val de garonnais, dans la perspective d’une stratégie territoriale d’attractivité résidentielle, fondée sur le développement d’une offre de mobilité fluide et durable au sujet des déplacements à échelle communale et inter-communale de l’agglomération.
Dans l’agglomération du Val de Garonne, la pollution est très élevée, presque autant que l’agglomération de Bordeaux alors que le Val de Garonne compte 4 fois moins d’habitants. La voiture individuelle, durant les trajets communaux et inter-communaux, participe grandement à cette pollution, cependant, d’après notre étude, elle semble indispensable pour les habitants très attachés à leur confort certes, mais aussi disposant d’alternatives médiocres en vue des déplacements quotidiens nécessaires, de l’aménagement du territoire et de nos modes de vies contemporains. Pour proposer une mobilité plus durable, notre enquête a appuyé que la solution ne se trouverait pas dans la technique mais dans la pédagogie de la proposition.
Balançant entre une agglomération qui craint de s’engager dans un nouveau dispositif et des citoyens attachés à leur voiture, nous proposons d’ouvrir le débat entre politique publique et citoyens pour qu’une sensibilisation commune soit de mise: il est important que chaque partie prennent connaissance des réalités objectives et subjectives de chacun de manière plus approfondie, même nous du côté de la conception, afin de trouver une solution qui corresponde à chaque partie pour être pérenne.
Le design fiction créer une fiction (plausible, probable, désirable, préférable, gênante, détestable) relatant un présent, un futur proche ou un futur lointain, afin d'interpeller ses spectateurs (usagers, décisionnaires, ingénieurs etc.) pour les questionner, les inviter à la réflexion, les ouvrir au débat, notamment au sujet de ce que l’on souhaite pour l’avenir afin d’investir ainsi les décisions et actions à réaliser dans le présent pour cet avenir souhaitable.
Dès lors, les usagers de la fiction ne sont pas ceux de l’histoire inventée mais les spectateurs qui la regardent. Le designer de fiction doit convaincre les spectateurs que son histoire est plausible afin qu’ils engagent une réflexion à son sujet.
Les prototypes et dispositifs (objets, services etc.) de la fiction ne sont pas ceux du design traditionnel, destinés à être commercialisés. Ils sont là pour supporter et encourager la fiction.
Notre proposition mêle donc design fiction dans un premier temps et ateliers citoyens dans un second.
Partie 1. D’abord nous proposons d’engager le débat et de susciter la réflexion grâce à une fiction sur la mobilité en évoquant le passage d’une loi écologique et restrictive sur les automobiles.
Partie 2. Puis, dans un second temps, il s’agit de rebondir sur la fiction pour inviter à échanger et co-construire via des ateliers regroupant citoyens et représentants de l’agglomération.
Partie 1.
Cette fiction se veut s'immiscer sous plusieurs formes dans la vie des citoyens de l’agglomération.
Nous avons réalisé plusieurs supports de communication comme si l’auteur en était le gouvernement puisque notre fiction est une loi à venir: une vidéo avec format “réseaux sociaux” (inspiré de la chaîne Brut), une page facebook, des prospectus explicatifs, des affiches, le site du ministère qui permet de réaliser une simulation pour la vignette de son véhicule (simulation par ici) et enfin, nous avons réalisé les vignettes à distribuer pour que le tout semble réel.
Ils sont à diffuser dans différents espaces et à différents temps pour toucher les habitants réalisant des trajets à horaires fixes (maison-travail, maison-école), puis les habitants aux déplacements à horaires non fixes.
Partie 2.
Après plusieurs semaines dédiées à la communication de la fiction et son ancrage dans la réalité des citoyens, nous passons aux ateliers. La phase atelier se déroule en plusieurs temps : retour sur la fiction, débat, problématisation, idéation et prototypage.
Le débat est important tant au niveau conception que pédagogique, il permet aussi bien aux designers, aux élus et aux citoyens d’écouter, de sonder les besoins et les freins de chaque partie mais aussi, de révéler de possibles opportunités d’action. La problématisation quant à elle, permet de cerner les vraies frictions, de dépasser les intentions premières qui sont souvent illusoires (exemple : Il me faut une perceuse pour attacher ce cadre. Il me faut attacher ce cadre.) et se mettre d’accord à leur sujet pour orienter la conception vers des bases solides. Enfin, l’idéation et le prototypage n’ont pas pour but de faire dégager une solution à reprendre telle quelle. Idéer et prototyper avec le public c’est aussi pour responsabiliser ce dernier quant aux possibilités (psychiques, techniques etc.) et aux choix réalisés.
Nous avons d’abord analysé les services déjà existants, en terme de mobilité mais aussi en termes d’activité de manière générale. Nous avons recherché les acteurs de la mobilité. Nous avons fait des analyses cartographiques, des analyses d’urbanisme, des analyses de flux de déplacement, notamment selon les objectifs. Enfin, nous avons réalisé une analyse de communication au sujet des services de mobilité durable déjà en place (transport en communs, durable car limitant l’utilisation de la voiture seul).
Nous avons souligné le fait que le territoire est presque autant pollué que l'agglomération de Bordeaux alors qu’il compte 4 fois moins d’habitants !
Nous avons pointé un territoire vieillissant et très rural, agricole et avec quelques usines. Ce qui équivaut à de longues distances à parcourir et des besoins décentralisés. L’agglomération Val de Garonne, avec Marmande comme ville centre, dispose d’une politique “coeur de ville” puisque son centre est délaissé, les commerces et petits artisans s’y effacent pour des activités qui se décentrent vers des zones commerciales aux grandes enseignes internationales.
Peu de services de mobilité sont proposés en comparaison aux besoins de déplacement journaliers nécessaires : qu’il s’agisse de transport en commun (offre limité en terme de fréquence et d’espace) ou d'aménagement (peu ou pas de parking relais, peu ou pas de routes dédiées aux vélos etc.). Cependant, c’est une chose habituelle en France en vue des moyens dont disposent les agglomérations et du nombre d’habitants.
Nous verrons par la suite que de toute façon, ce n’est pas plus le manque d’offre et d’aménagement qui réduit les possibles de mobilités durable mais aussi les habitudes qui y sont pour beaucoup.
Grâce aux différentes statistiques, observations et entretiens guérillas que nous avons mené, nous avons retranscrit des parcours utilisateurs, les verbatims, souligné les points positifs et négatifs des frictions en jeu et remarqué que les habitants étaient très attachés à leur voiture ! 83% des déplacements se font en voiture personnelle mais, avec les entretiens nous avons compris comment se jouait cette dépendance.
Dans un territoire rural, où les distances entre les activités sont lointaines, la voiture devient un outil indispensable et se présente comme très pratique puis, il faut le dire, très confortable.
Anecdotes.
Certains habitants ne sont pas au courant des bus à proximité de chez eux. Il est arrivé plusieurs fois durant les entretiens que ce soit nous qui leur apprenons. Certains disposent d’un arrêt tout prêt, ils connaissent la ligne et les horaires mais ne l’utilisent jamais et préfèrent la voiture. C’est d’ailleurs aussi le cas d’un élève que nous avons rencontré, qui ne prend jamais le bus et demande constamment à ses parents de faire les trajets pour lui.
En effet, pourquoi prendre le bus sachant que les arrêts peuvent être à 5 comme 15 minutes à pied, que ce même trajet est interrompu par les montées et descentes des autres voyageurs, qu’ils ne sont que rarement directs, que les horaires ne sont pas choisies, que la fréquence de passage est légère ? Et surtout, pour un grand nombre de communes, il faut réserver au minimum 24h avant. La voiture individuelle est donc incontournable pour beaucoup.
Flexibilité des propositions de service (où je veux, quand je veux … proche de l’autonomie).
Fluidité et facilité dans l’utilisation des services .
Accessibilité aux services (en termes de proximité spatiale, d’information et d’utilisation physique (poussettes, courses, fauteuils roulants, etc)).
Comment penser une offre de service de transport durable, flexible et facile d’utilisation en prenant en compte le milieu rural de VGA pour limiter l’usage de la voiture personnelle ?
Pour nourrir notre imaginaire nous avons commencé par analyser des mobilités existantes en ruralité dans d’autres agglomérations.
Nous avons réalisé des brainstormings dans lesquels nous introduisions une verbatim (récolté durant les entretiens) tirée aléatoirement. À chaque verbatim tirée, nous inventions une nouvelle histoire, une nouvelle proposition de service.
Nous avons imaginé trois scénarios répondant à notre problématique. Nous avons réalisé des storyboards pour communiquer au sujet de nos hypothèses.
1. La première hypothèse vise à une amélioration des services déjà existants.
2. La seconde hypothèse prend en compte l'attachement des citoyens à leur voiture mais cherche à réduire son utilisation individuelle ainsi qu’à réinvestir le centre des villes délaissées. Pour se faire, nous avons imaginé un service de covoiturage par activité (travail, loisirs etc) où des partenariats avec les commerçants et artisans sont tissés afin de stimuler l’utilisation du service de covoiturage et le retour en centre ville.
3. La troisième proposition mêle design fiction et ateliers citoyens. C’est le choix fait par les décisionnaires de l'agglomération et présenté au début de cet article. Dû à différentes contraintes de ce projet, le choix d’approfondir tel ou tel scénario ne s’est malheureusement pas fait selon les retours utilisateurs mais selon les retours clients, les politiques publiques.